Le procès de Thomas Lubanga (1)

Publié le par Alinga Mboka

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Nom : Thomas Lubanga Dyilo
Nationalité : 
République démocratique du Congo
Arrestation : 
mars 2005
Transfert à la Cour pénale internationale :
 mars 2006
Chefs d’accusation : 
crimes de guerre comprenant la conscription, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants soldats dans le cadre du conflit en République démocratique du Congo
Statut actuel :
 jugé devant la Cour pénale internationale à La Haye (Pays-Bas).
Date de début du procès :
 26 janvier 2008.


Le procès du chef de milice congolais, Thomas Lubanga Dyilo, devant la Cour pénale internationale (CPI) a débuté le 26 janvier 2008. Il est accusé de crimes de guerre et plus particulièrement de la conscription, de l’enrôlement et de l’utilisation d’enfants soldats dans le cadre du conflit sévissant en Ituri (République démocratique du Congo).  En dépit de l’énorme intérêt suscité par ce premier procès de l’histoire de la CPI, cette affaire en laisse beaucoup perplexes. Ils se demandent entre autres pourquoi l’ouverture du procès a tardé à ce point et si Lubanga aurait dû être remis en liberté.

Les paragraphes qui suivent proposent une vue d’ensemble des événements clés de l’affaire Lubanga à ce jour et des motifs d’une telle attente.

L’enquête de la Cour pénale internationale et l’arrestation de Lubanga :
Le Procureur de la CPI, 
Luis Moreno Ocampo, a ouvert une enquête sur les crimes perpétrés en RDC en juin 2004. Il a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Lubanga en janvier 2006 pour sa responsabilité présumée dans des crimes de guerre dont la conscription, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants soldats de moins de 15 ans au service de la guerre en Ituri (RDC) en 2002 et 2003. 

 

Arrêté en mars 2005, Lubanga a été transféré de la RDC à la CPI un an plus tard, en mars 2006.  En janvier 2007, la Chambre préliminaire I de la CPI a confirmé les accusations à son encontre, estimant qu’il y avait suffisamment de preuves pour engager un procès. Après avoir accumulé les retards, l’ouverture du procès a finalement été fixée au 23 juin 2008.

Pourquoi le procès a-t-il été retardé ?
Dix jours avant l’ouverture prévue du procès, la Chambre préliminaire de la CPI a suspendu le procès de Lubanga, craignant qu’il ne soit pas équitable.   Dans le cadre d’un 
procès équitable, toute personne accusée d’un crime doit pouvoir consulter des « informations à décharge » ou des informations susceptibles de prouver son innocence.  Le Procureur est tenu de divulguer toutes les informations à décharge qu’il a recueillies afin que l’accusé puisse dûment préparer sa défense.

Dans l’affaire Lubanga, le Procureur n’avait pas communiqué l’ensemble des informations à décharge. Il avait conservé plus de 200 documents – certains contenant des preuves pouvant être utilisées à décharge – rassemblés avec ‘aide d’autres organisations, dont les Nations Unies et des organisations non gouvernementales.  Il n’avait pas transmis ces documents parce qu’il avait signé des accords de confidentialité avec ces organisations dans le cadre d’une disposition spéciale du document fondateur de la CPI, le Statut de Rome (article 54(3)(e)). Incitant les tierces parties à fournir des informations afin de produire de nouvelles preuves – des preuves ne pouvant être divulguées sans leur consentement, cette disposition vise à faciliter le travail d’enquête du Procureur. Cette confidentialité était indispensable, notamment au regard de l’inquiétude de ces organisations pour la sécurité de leurs informateurs si leur identité devait être révélée dans les documents remis aux avocats de la défense de Lubanga.

Toutefois, de l’avis des juges, ces accords de confidentialité n’ont pas été conclus comme il se doit par le Procureur. Plus précisément, certains documents au moins, qui auraient dû être mis à la disposition de Lubanga, n’ont même pas pu être examinés par les juges, à qu’il revenait de déterminer s’il convenait ou non de les remettre à Lubanga et à ses avocats.  Les juges ont établi que compte tenu de l’incapacité du procureur de partager les documents avec la Chambre de première instance et, par conséquent, de celle des juges à établir si et en quoi cela a eu un impact sur les droits de Lubanga, « le procès a été interrompu à un tel degré qu’il est désormais impossible de réunir tous les éléments d’un procès équitable ». La Chambre de première instance a décidé de suspendre le procès. Le 2 juillet 2008, les juges ont décidé que Lubanga devait être libéré, considérant qu’il était impossible que celui-ci bénéficie d’un procès équitable.

Pourquoi Lubanga n’a-t-il pas été libéré ?
Afin d’éviter que le procès ne déraille, le Procureur a réagi par deux initiatives clés.  Il a d’une part suggéré à la Chambre de première instance de lever la suspension du procès et, d’autre part, demandé à la Chambre d’appel de veiller à ce que Lubanga ne soit pas remis en liberté.

Le 3 septembre 2008, la Chambre de première instance I a rejeté la demande du Procureur de lever la « suspension », car les juges ont estimé que le problème lié au droit de Lubanga à un procès équitable n’était toujours pas résolu.   Le Procureur n’avait pas obtenu des organisations ayant scellé des accords de confidentialité les garanties requises pour permettre aux juges de consulter l’ensemble des documents pertinents. Il n’avait pas non plus fait le nécessaire pour que les juges aient accès aux documents tout au long du procès de Lubanga, de manière à protéger le droit de ce dernier à un procès équitable.  Selon les juges, la solution partielle suggérée par le Procureur serait encore de nature à « violer certains aspects fondamentaux du droit de l’accusé à un procès équitable ».

Entre-temps, le Procureur a rapidement fait appel de la décision du 2 juillet 2008 de la Chambre de première instance de libérer Lubanga.  Autrement dit, il était tenu de rester en prison jusqu’à ce l’appel soit tranché.  Le 21 octobre 2008, la Chambre d’appel a décidé de maintenir la suspension du procès, mais de prolonger l’incarcération de Lubanga.

Pourquoi le procès a-t-il pu continuer ?
Finalement, le 18 novembre 2008, les juges ont reconnu que le Procureur avait pris toutes les mesures nécessaires pour que Lubanga jouisse d’un procès équitable. Par conséquent, tout document remis à la défense allait devoir être divulgué en veillant à préserver la sécurité des informateurs.  Les juges ont levé la suspension afin que le procès puisse avoir lieu.  Son ouverture a alors été programmée le 26 janvier 2009

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