Combien de Congolais ont payé le prix du caoutchouc ?

LÉOPOLDVILLE

En 1880, le Congo comptait vingt millions d’habitants; en 1920, dix millions ! Entre les deux dates, un fait : John Dunlop a inventé le pneu. Dès 1895, le caoutchouc est devenu le nouvel or. Le Congo de Léopold II en avait quasiment le monopole et le roi des Belges devint, en quelques années, l’homme le plus riche du monde. Mais au prix de combien de vies humaines ?

Aujourd’hui encore, les historiens anglais n’hésitent pas à affirmer qu’avant l’apparition de Hitler, le roi Léopold II fut l’homme le plus cruel de l’Histoire. À l’époque, en Angleterre surtout, des voix se sont élevées pour réclamer le procès du roi et sa condamnation à mort.

Chez nous, si aucun historien ne nie le véritable holocauste dont furent victimes les Congolais, on a tendance à entourer le roi de circonstances atténuantes. La première étant le contexte de l’époque : tous les pays colonisateurs ont fait pareil. En deux, si, indubitablement, Léopold II – qui n’a jamais mis les pieds dans sa colonie – savait que des mutilations, des exactions et des exécutions y étaient commises, il imaginait que c’était une manière, pour la civilisation, de triompher de la sauvagerie. Il fallait être sur place pour constater que c’est exactement le contraire qui se passait.

Léopold II voulait d’une colonie pour la Belgique afin de rester dans le rang des pays puissants, au même titre que nos voisins. Il jeta son dévolu sur un territoire inexploré de l’Afrique centrale.

L’Anglais Stanley s’y était aventuré dès 1871 mais cherchait des capitaux pour poursuivre son exploration. En 1878, Léopold II lui offre de le financer. Entre 1879 et 1884, Stanley installe des comptoirs commerciaux pour le compte du roi. En 1884, lors d’une conférence internationale à Berlin, Léopold joue en fin stratège et parvient à convaincre les grands États de lui laisser, en propriété personnelle, le territoire du Congo.

Au début, cette terre est plutôt ruineuse mais, miraculeusement, à partir de 1895, le monde entier se met à avoir besoin de caoutchouc : l’industrie du cycle, celle – naissante – de l’auto et celles du téléphone et du télégraphe. Le caoutchouc, il n’y en a qu’au Congo. Il s’agit donc d’enseigner très vite aux Noirs l’art de la vie industrielle.

Pour les contraindre au travail forcé, on coupe les mains des rebelles. Ou de leurs enfants. On en tue par centaines et on expose les têtes coupées. Ça ne suffit pas ? On brûle les villages.

Léopold propose des primes à la production aux contremaîtres qui vont rivaliser de sadisme. On prend tout simplement en otages les femmes des villages. Elles ne seront rendues que si les maris ramènent assez de caoutchouc. Au passage, les plus belles seront violées.

La construction du chemin de fer entre la ville portuaire de Matadi et la capitale, Léopoldville, coûta aussi la vie à des dizaines de milliers de Noirs.

À partir de 1900, un Anglais, Edmond D. Morel, entame une campagne de presse pour dénoncer le roi. Les voix des missionnaires et du consul britannique Cassement s’ajoutent à la sienne. Le 15 novembre 1908, un an avant de mourir, Léopold se débarrasse de la patate chaude en offrant le Congo à la Belgique.

L’homme le plus riche du monde menait une vie austère et buvait de l’eau chaude pour limiter les frais de chauffage de ses appartements.

 

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